SPOTLIGHT #5 : La Suisse est-elle le seul refuge sûr pour les sentences arbitrales intra-UE ? Clarification sur la protection des investissements étrangers dans l’Union européenne

SPOTLIGHT #5 : La Suisse est-elle le seul refuge sûr pour les sentences arbitrales intra-UE ? Clarification sur la protection des investissements étrangers dans l’Union européenne

Chez Lead up, nous nous engageons à fournir à nos clients les solutions les plus innovantes en matière de résolution des conflits, adaptées à leurs contextes sectoriels spécifiques. Pour ce faire, nous devons rester à l’affût des développements récents dans les secteurs de nos clients et analyser ces évolutions en fonction de leurs besoins. Chaque mois, dans le « Lead up Spotlight », nous partageons avec vous – nos collègues, clients et partenaires potentiels – notre analyse sur un développement récent relatif à la résolution des conflits dans un secteur qui nous tient à cœur ainsi qu’à nos clients.

Ce mois-ci, le Lead up Spotlight se concentre sur la protection des investissements étrangers dans l’Union européenne et sur l’impact de la récente décision du Tribunal fédéral suisse dans l’affaire EDF c. Espagne.


Contexte : l’état du droit jusqu’au 3 avril 2024

Depuis l’arrêt Komstroy c. Moldavie rendu par la CJUE le 2 septembre 2021, la situation était claire : les investisseurs de l’UE ne pouvaient plus faire valoir leurs droits à la protection des investissements contre des États membres de l’UE sur la base de traités bilatéraux (TBI) ou multilatéraux (MIT) intra-UE, comme le Traité sur la Charte de l’Énergie (TCE). Toute sentence arbitrale rendue dans ce cadre était inexécutable dans l’UE. La CJUE avait en effet jugé que ces recours étaient incompatibles avec le droit de l’UE, comme elle l’avait déjà affirmé dans l’arrêt Achmea c. Slovaquie. Les investisseurs non européens, en revanche, n’étaient pas concernés.


Le revirement suisse : décision du 3 avril 2024

Le 3 avril 2024, le Tribunal fédéral suisse a rendu une décision qui rejette l’importance de l’arrêt Komstroy et refuse d’annuler une sentence arbitrale rendue en faveur d’EDF, investisseur français, contre l’Espagne, dans le cadre d’un arbitrage ad hoc fondé sur le TCE. La compétence du Tribunal fédéral suisse reposait sur le fait que le siège de l’arbitrage était à Genève.

Le Tribunal a notamment affirmé qu’il n’était pas lié par les décisions de l’UE interprétant le droit de l’UE, car ces institutions ont tendance à reconnaître – à tort – la primauté de leur propre droit sur le droit international et les traités de protection des investissements.


Quel impact dans l’UE ? Limité.

La décision suisse ne devrait pas modifier la position hostile des institutions et États membres de l’UE à l’égard des TBI/MIT intra-UE et des arbitrages y afférents. En pratique, l’exécution des sentences intra-UE dans l’UE restera bloquée, en raison de l’application des arrêts Komstroy et Achmea.


Quel impact hors de l’UE ? Plus large.

Deux conséquences principales sont à prévoir :

  1. Renforcement du rôle de la Suisse comme juridiction neutre et favorable à l’arbitrage.
    La décision du Tribunal fédéral rappelle que, pour ce qui est de la reconnaissance et de l’exécution des sentences intra-UE (hors Convention CIRDI), seules les conditions de la Convention de New York sur la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères comptent. Les juridictions hors UE ne sont pas tenues de suivre les décisions de la CJUE comme Achmea ou Komstroy.
  2. Stratégie pour les investisseurs européens :
    Les investisseurs, notamment ceux issus de l’UE, souhaitant investir dans l’UE, peuvent envisager de structurer leur véhicule d’investissement en Suisse afin de bénéficier de la protection offerte aux ressortissants suisses par les TBI/MIT européens. Cela permettrait d’éviter que leur recours soit qualifié d’intra-UE et donc inexécutable dans l’UE.

La décision du Tribunal fédéral suisse confirme la pertinence de la Suisse comme lieu d’exécution des sentences arbitrales internationales, y compris celles portant sur des litiges intra-UE. Elle renforce également l’attrait de la Suisse comme siège d’arbitrage pour les investisseurs souhaitant sécuriser leurs droits dans un contexte juridique européen incertain.

Pour suivre l’actualité de l’arbitrage en Suisse, suivez Baptiste Rigaudeau, MCIArb, associé chez Lead up, récemment nommé Ambassadeur français de Swiss Arbitration (https://www.linkedin.com/posts/baptiste-rigaudeau-mciarb-74082b24_asa-ambassadors-asa-activity-7201522686370447360-nUFE)

En tant qu’ambassadeur, il sera un point de contact clé à Paris pour toutes les questions liées à l’arbitrage suisse et organisera régulièrement des événements dans la capitale pour présenter les atouts de cette juridiction.