SPOTLIGHT #3 : Réformes juridiques récentes en Arabie saoudite

SPOTLIGHT #3 : Réformes juridiques récentes en Arabie saoudite

Chez Lead up, nous nous engageons à fournir à nos clients les solutions les plus innovantes en matière de résolution des conflits, adaptées à leurs contextes sectoriels spécifiques. Pour ce faire, nous devons rester à l’affût des développements récents dans les secteurs de nos clients et analyser ces évolutions en fonction de leurs besoins. Chaque mois, dans le « Lead up Spotlight », nous partageons avec vous – nos collègues, clients et partenaires potentiels – notre analyse sur un développement récent relatif à la résolution des conflits dans un secteur qui nous tient à cœur ainsi qu’à nos clients.

Ce mois-ci, le Lead up Spotlight met l’accent sur les nouvelles approches juridiques adoptées en Arabie Saoudite.

La Vision 2030 de l’Arabie Saoudite prévoit une restructuration complète du système juridique et judiciaire du Royaume, marquant une rupture avec sa dépendance historique au droit islamique non codifié. Dans ce système traditionnel, les juges disposaient d’un large pouvoir discrétionnaire, appliquant la jurisprudence islamique et leurs convictions morales personnelles à travers la pratique de l’ijtihad. Bien que cette approche ait permis une interprétation souple des textes religieux, elle a également engendré des incohérences dans les décisions judiciaires, posant des défis aux avocats et entravant l’établissement de précédents juridiques clairs.

Ces dernières années, l’Arabie Saoudite s’est engagée sur la voie de la réforme juridique, visant à moderniser son cadre judiciaire et à renforcer la prévisibilité des procédures. Un élément central de cette transformation est le passage d’un système juridique islamique non codifié à la codification des lois. Ce changement vise à instaurer la confiance des investisseurs et entreprises étrangers en offrant un environnement juridique plus transparent et fiable.

Les résultats de ces réformes ont été mis en lumière lors de la récente conférence internationale organisée par le Centre Saoudien d’Arbitrage Commercial (SCCA). Le ministre de la Justice, Walid Al Samaani, a présenté des statistiques illustrant l’engagement du système judiciaire à faire respecter les sentences arbitrales. En 2022, plus de 90 % des sentences arbitrales ont été exécutées malgré des demandes d’annulation, avec seulement cinq cas ayant abouti à une annulation partielle ou totale. Fait remarquable, aucune de ces annulations n’était fondée sur une violation de la charia ou de l’ordre public, bien que la loi saoudienne sur l’arbitrage de 2012 prévoie ces exceptions. Cela souligne le virage sérieux de l’Arabie Saoudite vers le respect des normes internationales en matière d’arbitrage.

Un autre jalon important dans ce processus de modernisation juridique a été l’adoption de la Loi sur les transactions civiles le 16 décembre 2023. Inspirée des codes civils d’autres pays du Moyen-Orient, notamment ceux de l’Égypte et des pays du CCG, cette loi a été adaptée pour respecter les principes de la charia islamique. Avec une application rétroactive, elle régit les accords et litiges existants, inaugurant une nouvelle ère de clarté et de cohérence juridiques.

Quatre éléments clés de cette nouvelle loi illustrent l’approche de modernisation de l’Arabie Saoudite :

  1. Bonne foi et abus de droit
    La loi impose aux parties contractantes d’agir de bonne foi, tant lors des négociations que dans l’exécution des contrats. Cela inclut la divulgation d’informations pertinentes et la conduite de négociations sérieuses. Le non-respect peut entraîner une responsabilité pour dommages. De plus, l’abus de droit contractuel est interdit, notamment lorsqu’il est exercé uniquement pour nuire ou lorsque le préjudice causé dépasse largement le bénéfice attendu.
  2. Délais de prescription
    La loi établit un délai de prescription général de dix ans pour l’introduction des actions. Conformément aux principes de la charia, ce délai n’éteint pas le droit lui-même, mais empêche simplement le recours judiciaire si le défendeur conteste la demande après expiration du délai.
  3. Indemnisation
    La loi reconnaît désormais la perte de profit, et encadre mieux les dommages-intérêts forfaitaires et moraux. Auparavant, seuls les préjudices directs étaient indemnisés. Les tribunaux pouvaient ajuster librement les montants convenus, mais la nouvelle loi limite cette possibilité aux cas de fraude ou de négligence grave. Quant aux dommages moraux, rarement accordés auparavant, ils sont désormais inclus dans l’indemnisation, bien qu’ils semblent ne s’appliquer qu’aux personnes physiques.
  4. Choix de la loi applicable
    La loi ne contient pas de dispositions explicites sur le choix de la loi applicable. Les tribunaux saoudiens appliqueront probablement le droit saoudien lorsqu’ils sont compétents, indépendamment des accords entre les parties ou de liens avec d’autres systèmes juridiques. Toutefois, deux exceptions importantes sont reconnues :

    • L’application de la CISG (Convention sur la vente internationale de marchandises) à partir du 1er septembre 2024, suite à l’adhésion de l’Arabie Saoudite.
    • L’inclusion d’une clause d’arbitrage, puisque la loi saoudienne sur l’arbitrage de 2012 permet aux parties de choisir la loi applicable à leurs litiges.

Dans l’ensemble, l’introduction de la Loi sur les transactions civiles constitue une avancée majeure vers la modernisation du système juridique saoudien et le renforcement de son attractivité pour les investisseurs. En apportant clarté et prévisibilité, cette loi, ainsi que les autres réformes juridiques saoudiennes, vise à créer un environnement plus favorable aux affaires et au commerce dans le Royaume.